Campagne de géophysique héliportée dans le Quercy Blanc

Dans le cadre du projet ECORSE 82, visant notamment à caractériser le potentiel des eaux souterraines dans les aquifères karstiques du Jurassique sous couverture molassique, un levé de géophysique d’électromagnétisme héliportée est organisé en septembre 2021 dans le Quercy Blanc.

1. Contexte de l’opération

1.1. UNE PROBLEMATIQUE : LES RESSOURCES EN EAUX

Le Département de Tarn-et-Garonne, parcouru par trois grands cours d’eau (Garonne, Tarn et Aveyron) et reposant sur une diversité de formations géologiques pouvant être plus ou moins aquifères dispose de ressources en eau variées. Dans ce contexte, les cours d’eau peuvent être en relation plus ou moins étroite avec les nappes.

Sur certains bassins versants, les périodes d’étiage peuvent s’avérer problématiques et entraîner des conflits d’usages en fonction des besoins pour l’alimentation en eau potable, l’agriculture (notamment pour l’irrigation) et pour la préservation des écosystèmes aquatiques. Ces tensions pourraient s’accroître dans les années à venir dans un contexte de changement climatique avéré.

Dans ces secteurs en tension, les eaux souterraines, en particulier les aquifères [1] pas ou peu exploités actuellement, constituent des ressources potentiellement mobilisables qu’il est nécessaire de caractériser et de mieux appréhender afin d’envisager leur exploitation de façon durable.

1.2. LE PROJET ECORSE 82

Pour améliorer la connaissance sur les eaux souterraines et disposer d’éléments techniques pertinents pour une gestion durable des ressources en eaux sur ces territoires, le Département de Tarn-et-Garonne s’est rapproché du BRGM. Pour répondre à cette demande le BRGM a donc proposé de réaliser une synthèse des connaissances et une exploitation des données existantes ainsi que l’acquisition de nouvelles données sur des aquifères où les prélèvements sont peu nombreux et pour lesquels une amélioration des connaissances est nécessaire pour envisager une exploitation future durable.

Cette étude a été baptisée « ECORSE 82 : Etat des COnnaissances et premières acquisitions de données sur les Ressources en eaux Souterraines du département de Tarn-et-Garonne dans une perspective d’Exploitation durable ».

Elle est organisée sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil départemental de Tarn-et-Garonne, qui la finance avec l’appui de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, de la Région Occitanie et du BRGM. L’étude est coordonnée par la Direction Régionale du BRGM Occitanie – site de Toulouse. La supervision technique des levés géophysiques sera assurée par les experts géophysiciens d’une équipe de la Direction des Géoressources du BRGM, basée à Orléans.

Compte tenu de la localisation des enjeux les plus prégnants et du déficit de connaissances par rapport aux aquifères alluviaux et aux aquifères karstiques [2] jurassiques affleurants, l’étude ECORSE 82 est centrée sur les aquifères profonds. Ceux-ci sont systématiquement recouverts par les molasses [3] du Bassin aquitain, globalement non aquifères.

Schéma des différents contextes hydrogéologiques de Tarn-et-Garonne

A partir des premiers éléments rassemblés (profondeur, extension latérale, qualité des eaux…), les aquifères karstiques jurassiques sous couverture molassique au nord du département ont été sélectionnés pour la réalisation des investigations permettant une meilleure caractérisation de leur potentiel.

1.3. INVESTIGATIONS DANS LE QUERCY BLANC

Les aquifères karstiques jurassiques sous les molasses constituent le sous-sol de la région connue sous le nom de Quercy Blanc, couvrant à la fois le nord du département de Tarn-et-Garonne (82) et le sud du département du Lot (46). Elle regroupe quatre bassins versants hydrographiques, soit, d’est en ouest, le bassin de la Lère et du Candé, le bassin du Lemboulas, le bassin de la Barguelonne et le bassin de la Séoune.

Zone d’investigations du projet ECORSE 82

Les investigations prévues dans le cadre du projet ECORSE 82 incluent des levés géologiques, afin de caractériser les points d’affleurements des formations jurassiques dans le fond des vallées des cours d’eau incisant les formations molassiques, ainsi que des campagnes d’analyses physico-chimiques et de jaugeages des rivières pour évaluer la contribution des aquifères jurassiques au débit de ces cours d’eau.

Enfin, les données géologiques disponibles (logs de forages profonds, campagnes de géophysique électrique et sismique) étant peu nombreuses ou trop anciennes et inexploitables pour réaliser un modèle géologique permettant de représenter l’extension 3D des aquifères karstiques jurassiques du Quercy Blanc, le BRGM a proposé de réaliser un levé de géophysique d’électromagnétisme héliportée dans ce secteur.

Cette campagne est réalisée en parallèle de celle menée dans le cadre du programme de recherche EAUX-Scars. Ce projet , piloté par le BRGM Nouvelle-Aquitaine, a pour objectif d’appréhender l’évolution des ressources en eau de la bordure nord-est du Bassin aquitain dans les aquifères calcaires secondaires (Jurassique et Crétacé), en particulier dans les départements de la Dordogne (24), de Lot-et-Garonne (47) et l’ouest du département du Lot (46).

2. La reconnaissance géophysique

2.1. LA GEOPHYSIQUE ET SON APPLICATION A L’HYDROGEOLOGIE

La géophysique est une science de la Terre dont l’objectif est d’étudier le globe afin d’en connaître la structure et l’organisation à l’aide des méthodes et connaissances physiques actuelles en analysant les contrastes entre différents milieux ou couches, afin d’obtenir une image en 2D et/ou 3D retranscrivant la nature du sous-sol.

Différentes méthodes géophysiques sont mobilisables suivant le résultat attendu et on les classes en deux catégories : les méthodes de surface, indirectes et non destructives, et les diagraphies réalisées dans des forages.

Les méthodes de surface utilisent principalement les ondes, rayonnements et autres facteurs physiques pour obtenir des informations diverses sur les couches géologiques (pendage, lithologie, présence ou non de failles, radioactivité, résistivité électrique, densité…), sans modifier de quelque manière que ce soit la structure des couches et roches étudiées.

Une investigation géophysique appliquée à l’hydrogéologie peut fournir de nombreuses informations utiles telles que le type de dépôts, la présence et la localisation d’un aquifère ou d’un aquitard [4], la géométrie de cet aquifère (extension latérale et variabilité de l’épaisseur), la profondeur de la nappe, la profondeur du roc et les structures sédimentaires des dépôts.

Les trois grands types de méthodes de surface applicables à l’hydrogéologie sont la sismique, les méthodes électriques et les méthodes électromagnétiques.

2.2. METHODES ELECTROMAGNETIQUES (EM)

Ce type de méthode exploite le principe d’induction électromagnétique dans les matériaux conducteurs. La méthode électromagnétique est dite « active ». Des ondes électromagnétiques, émises par un appareil, excitent le sous-sol, qui émet un signal en retour. Ce dernier est mesuré au niveau du dispositif de mesure.

Le signal mesuré varie selon les conductivités électriques des roches du sous-sol. Leur interprétation permet alors de produire des modèles 3D de conductivité du sous-sol avec une résolution de quelques mètres en surface. La porosité des roches, leur contenu en fluides (l’eau notamment), la salinité de ces fluides, la présence d’argiles sont autant de paramètres qui influencent la conductivité électrique mesurée par le système.

Après traitement, l’électromagnétisme restitue ainsi à distance et sans contact la répartition des contrastes de conductivité électrique du sous-sol jusqu’à plusieurs centaines de mètres de profondeur, en fonction des caractéristiques de l’appareil utilisé.

La conductivité électrique est un paramètre efficace pour imager en 3D l’espace souterrain car ses contrastes indiquent généralement des limites entre des formations géologiques différentes, ce qui permet la caractérisation de leurs géométries.

L’électromagnétisme constitue ainsi un puissant outil de reconnaissance du sous-sol livrant, sur une « tranche » de 0-200 m de profondeur environ (voire plus), une image homogène, continue et localisée (précision du GPS) du milieu géologique souterrain, en 2D et en 3D, sur l’ensemble de la zone investiguée.

2.3. AVANTAGES DE LA TECHNIQUE AEROPORTEE

La prospection géophysique héliportée présente plusieurs avantages :

  • Elle est adaptée pour acquérir des données dans tous types de milieux, car elle n’est pas limitée par les difficultés d’accès, le foncier ou le couvert végétal ;
  • Elle apporte une vision globale et homogène des objets géologiques (en l’occurrence les aquifères jurassiques karstiques sous couverture molassique) sans les contraintes et les limitations des prospections au sol ;
  • Elle a un coût au kilomètre linéaire très faible en raison d’une grande efficacité de réalisation, permettant de couvrir de très larges surfaces en peu de temps par rapport à une prospection au sol ;
  • Elle fournit des résultats intégrables à un modèle géologique 3D, qui permettra notamment d’alimenter les résultats du programme ECORSE 82.

Le levé contournera les zones urbaines denses dont le survol à basse altitude est interdit pour des raisons de sécurité et inutile en raison du niveau de bruit à hauteur des installations au sol.

Par ailleurs, cette méthode n’est pas nocive pour l’homme ou le bétail, les niveaux de champ émis, comparables à ceux d’un appareil électrique de 100W alimenté par câble, étant largement sous les seuils d’émission définis par la réglementation.

Ainsi, la géophysique aéroportée constitue une aide à la décision précieuse pour la prospection de matières premières, les risques et l’aménagement du territoire, l’évaluation et la gestion des ressources en eau souterraine, ou pour l’exploitation énergétique du sous-sol.

2.4. EXEMPLES DE MISE EN ŒUVRE DE LA METHODE AU BRGM

Depuis la fin des années 1990, le BRGM relance des acquisitions de données par géophysique aéroportée, avec pour objectif une couverture complète du territoire, région par région, afin d’affiner la connaissance du sous-sol français. Initialement utilisé pour la recherche minière, l’électromagnétisme héliporté s’applique depuis une quinzaine d’années à des programmes d’évaluation de la ressource en eau, parfois en routine, comme au Danemark.

Pour ses opérations aéroportées, le BRGM choisit, après appel d’offre, des opérateurs à la pointe des différentes méthodes, ce qui permet d’adapter les choix et de bénéficier des dernières avancées technologiques. En particulier, la société danoise SkyTEM, experte dans les méthodes électromagnétiques, a développé un système électromagnétique héliporté qui lui a permis d’intervenir avec succès pour différents projets internationaux.

Ce système est utilisé régulièrement par le BRGM depuis plus d’une dizaine d’années pour ses opérations de géophysique héliportée : à Mayotte (2010), en Guadeloupe et Martinique (2013), à la Réunion (2014), en Nouvelle-Calédonie (2015), en Auvergne (2020) et à nouveau à la Réunion (2021).

Les campagnes sont généralement réalisées dans le cadre de cofinancements avec des partenaires locaux et/ou l’Europe, comme dans le cas des projets ECORSE 82 et Eaux-SCARS.

Coupes issues du levé héliporté de Mayotte : on observe clairement une coulée de lave massive (à gauche, vue de face et à droite vue de profil) formant ensuite un aquifère dans laquelle le forage productif a été implanté et réalisé (BRGM)

La figure ci-dessus présente un exemple de deux coupes de résistivité électrique issues de la campagne réalisée à Mayotte. Dans un contexte géologique très différent du Bassin aquitain, l’électromagnétisme a notamment permis de déceler les paléo-vallées comblées par des coulées de laves massives qui forment des aquifères volcaniques pouvant assurer de bons débits d’exploitation).

Les photographies suivantes présentent le dispositif utilisé lors des campagnes à la Réunion et en Auvergne.

Campagne de mesures par géophysique héliportée à la Réunion (BRGM - René Carayol)


Campagne de géophysique héliportée AérOvergne (BRGM)


Campagne de géophysique héliportée AérOvergne : détail du système d’émission-acquisition placé sous l’hélicoptère (BRGM)

3. Caractéristiques du levé ECORSE 82

L’espacement entre les lignes de vol et la hauteur de survol sont déterminantes pour la résolution du levé. L’utilisation d’un hélicoptère permet de s’accommoder de la grande taille du domaine d’étude, en conservant une distance instrumentation / sol faible (de l’ordre de 50 m). Les vols obéissent à des règles particulières de travail aérien à basse altitude, ils sont réalisés conformément aux instructions de la Direction Générale de l’Aviation Civile.

La sélection des moyens héliportés mis en œuvre a fait l’objet d’un appel d’offre international conjoint pour les projets ECORSE 82 et Eaux-SCARS, les secteurs d’études étant limitrophes. L’offre de la société danoise SkyTEM a été retenue notamment pour le dispositif de mesure géophysique innovant utilisé et désormais bien connu par le BRGM.

Environ 200 km de lignes de vol sont prévus, suivant le plan de vol prévisionnel présenté ci-dessous. La campagne conjointe ECORSE 82 – Eaux-SCARS sera réalisée à partir du 6 septembre 2021, pour une durée prévisionnelle de 2 à 3 semaines.

Plan de vol envisagé pour le levé géophysique ECORSE 82

A cette occasion, la mairie de Saint-Laurent-Lolmie, intégrée à la commune nouvelle de Lendou-en-Quercy (46) depuis 2018, met à disposition du BRGM et de SkyTEM son terrain de football, qui sera utilisé comme base d’atterrissage / décollage par l’hélicoptère pendant les levés sur le secteur ECORSE 82. Nous la remercions chaleureusement pour son hospitalité !

[1Aquifère : formation géologique, continue ou discontinue, contenant de façon temporaire ou permanente de l’eau mobilisable, constituée de roches perméables (formations poreuses, karstiques ou fissurées) et capable de la restituer naturellement ou par exploitation (drainage, pompage, …).

[2Vient du mot Karst : plateau calcaire où se sont développées, par dissolution des carbonates sous l’action des eaux, des formes de relief spécifiques, des cavernes et des vides souterrains ou de surface ; nommé d’après la région de « Karst » en Slovénie.

[3Molasses : formation géologique sédimentaire, d’âge tertiaire dans le Bassin aquitain, qu’elles recouvre sur une large superficie, globalement peu perméable (même si pouvant toutefois renfermer quelques niveaux aquifères).

[4Aquitard : formation géologique ne contenant qu’une très faible fraction d’eau mobilisable, constituée de roches peu perméables (argiles, granites non fissurés…) et incapable de restituer des quantités d’eau conséquentes par exploitation (drainage, pompage…).

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ECORSE 82